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Filtres solaires & SPF : tout comprendre pour mieux formuler et mieux choisir

  • 13 mai
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Le soleil est un formidable allié pour la santé, le moral et la synthèse de la vitamine D. Mais il peut aussi devenir un ennemi silencieux si l’on ne s’en protège pas correctement. Rayons UV, SPF, filtres chimiques ou minéraux, controverses environnementales… Les produits solaires font aujourd’hui l’objet de nombreuses interrogations. Que vous soyez consommateur ou professionnel de la formulation cosmétique, cet article propose un éclairage complet sur les filtres solaires et leur fonctionnement, pour mieux les comprendre, mieux les choisir, et mieux les formuler.


I. Pourquoi protéger sa peau du soleil est vital


Le rayonnement solaire qui parvient jusqu’à la surface de la Terre comprend, entre autres, des ultraviolets (UV) classés en trois catégories : les UVC, les UVB et les UVA. Les UVC, très énergétiques, sont heureusement filtrés par la couche d’ozone et n’atteignent pas la surface terrestre. Les UVB, en revanche, pénètrent dans les couches superficielles de l’épiderme. Ce sont eux qui provoquent les coups de soleil et qui peuvent entraîner, à long terme, des mutations de l’ADN cellulaire. Les UVA, quant à eux, pénètrent plus profondément dans la peau. Bien qu’indolores, ils sont redoutables : ils participent activement au vieillissement cutané, à l’apparition de taches pigmentaires, à la dégradation des fibres de collagène… et sont également impliqués dans certains cancers de la peau¹.

Schéma illustrant la pénétration des rayons UV dans la peau : UVC arrêtés par l’ozone, UVB atteignant l’épiderme, UVA atteignant le derme
Les UVB pénètrent l’épiderme, les UVA atteignent les couches plus profondes de la peau. Les UVC, eux, sont arrêtés par la couche d’ozone.

À retenir : Les UVB rougissent, les UVA vieillissent. Les deux abîment la peau et augmentent les risques de cancer.


Une exposition répétée et non protégée peut donc avoir des conséquences graves. Elle favorise l’apparition de rides précoces, la perte de fermeté, les altérations pigmentaires, mais surtout, elle augmente le risque de développer un carcinome ou un mélanome. Face à ce constat, la protection solaire ne peut être considérée comme un simple geste esthétique ou saisonnier. Il s’agit d’un enjeu de santé publique. L’Organisation mondiale de la santé recommande activement l’utilisation de produits solaires, ainsi que le port de vêtements protecteurs, de chapeaux, et la limitation des expositions aux heures les plus chaudes¹.


Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre ce que mesurent les différents indices indiqués sur les flacons. Le SPF (Sun Protection Factor) est un indice qui mesure le niveau de protection contre les rayons UVB. Par exemple, un produit affichant un SPF 30 permet théoriquement de multiplier par 30 le temps que mettrait la peau à rougir par rapport à une peau non protégée.


Le saviez-vous ? Pour obtenir l’efficacité indiquée, il faut appliquer 2 mg de produit par cm² de peau. En réalité, la plupart des gens en appliquent 2 à 4 fois moins, ce qui réduit l’efficacité de manière dramatique.

Illustration de la règle des 2 doigts : quantité recommandée de crème solaire par zone du corps (visage, bras, tronc, dos, jambes).
La règle des 2 doigts : une méthode simple pour bien doser sa protection solaire, zone par zone.

En complément, certaines crèmes précisent également leur efficacité contre les UVA, à l’aide d’un logo spécifique (UVA dans un cercle) ou, dans les pays asiatiques, via une notation allant de PA+ à PA++++.


II. Comprendre les différentes familles de filtres solaires


Les filtres solaires sont les ingrédients actifs chargés de protéger la peau contre les UV. Il en existe deux grandes catégories : les filtres organiques, souvent appelés « filtres chimiques », et les filtres minéraux, parfois nommés « physiques ». Chacun possède ses propres spécificités, avantages et limites.


Les filtres organiques sont des molécules synthétiques capables d’absorber les UV et de les transformer en chaleur. Ils sont généralement très efficaces et permettent d’obtenir des textures légères, transparentes et agréables à l’application. Parmi les plus connus, on peut citer l’octocrylène, l’avobenzone ou encore l’homosalate. Toutefois, certains de ces filtres posent des questions en matière de sécurité. L’octocrylène, par exemple, est aujourd’hui discuté pour son potentiel de transformation en benzophénone, un composé suspecté de perturber le système endocrinien⁴.


Les filtres minéraux, quant à eux, agissent par réflexion ou diffraction de la lumière. Ils sont souvent recommandés pour les peaux sensibles, car ils sont généralement mieux tolérés. Le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc sont les deux principaux filtres minéraux utilisés. Disponibles en version nano ou non-nano, ils offrent une excellente stabilité à la lumière. Cependant, ils peuvent laisser un voile blanc sur la peau, ce qui reste un frein pour une partie des consommateurs, notamment sur les peaux mates ou foncées.


Infographie comparant les filtres solaires organiques (absorption) et minéraux (réflexion) : avantages, inconvénients, impact cutané et environnemental.
Filtres solaires : organiques ou minéraux, quelles différences ?

Le saviez-vous ? Le dioxyde de titane non-nano est très efficace, mais difficile à disperser. C’est l’une des raisons pour lesquelles les solaires minéraux sont souvent plus "pâles".


Une autre tendance consiste à utiliser des ingrédients dits « naturels » comme le beurre de karité, l’huile de framboise ou l’huile de coco, vantés pour leurs propriétés protectrices. Il est important de souligner ici que ces produits possèdent un SPF naturel très faible, souvent inférieur à 10, et ne peuvent en aucun cas se substituer à une vraie protection solaire homologuée³.


III. Déchiffrer les mentions réglementaires et l’importance du packaging


L’étiquetage des produits solaires répond à des normes précises. En Europe, l’affichage du SPF est obligatoire, tout comme la mention claire des avertissements d’utilisation. Le logo UVA entouré d’un cercle garantit que le produit offre une protection contre les UVA équivalente à au moins un tiers du SPF, conformément à la réglementation européenne.


D’autres mentions peuvent prêter à confusion. Par exemple, « water resistant » signifie que le produit conserve une partie de son efficacité après immersion, mais ne veut pas dire qu’il est complètement imperméable à l’eau. Il existe des critères normatifs pour encadrer cette allégation (notamment la norme ISO 24444).


À retenir : "Résistant à l’eau" ne veut pas dire "waterproof". Cela signifie que le produit garde une partie de son efficacité après 2 bains de 20 minutes.


Le packaging joue également un rôle crucial en matière de pédagogie et de bonne utilisation. Un flacon clair, informatif, qui indique par exemple la quantité recommandée, les précautions d’usage et la durée de protection réelle, contribue à une meilleure sensibilisation du public à la photoprotection.


IV. Formuler un solaire : un défi d’équilibriste pour les laboratoires


Développer un produit solaire performant est une opération complexe, qui relève autant de la science que de l’art cosmétique. Il s’agit d’un compromis permanent entre efficacité, stabilité, sensorialité, sécurité et réglementation.


Le saviez-vous ? Les tests SPF in vivo sont réalisés sur la peau de volontaires avec une application précise de 2 mg/cm². La norme utilisée est ISO 24444:2019.


Il faut d’abord choisir les bons filtres, les combiner de manière cohérente pour assurer une protection à large spectre (UVB + UVA), tout en veillant à leur stabilité dans le temps et sous l’exposition aux rayons solaires. Certains filtres sont photostables, d’autres nécessitent des stabilisateurs. Les interactions entre filtres, conservateurs, parfums ou agents de texture doivent être minutieusement étudiées.


Ensuite vient le travail sur la galénique. Le consommateur attend une texture fluide, non grasse, invisible, agréable à appliquer. Cela représente un véritable défi, notamment avec les filtres minéraux non nano, plus difficiles à disperser.


Enfin, la mesure du SPF ne s’improvise pas. Elle repose sur des tests normés, effectués in vivo sur des volontaires (norme ISO 24444:2019) ou in vitro pour la partie UVA (ISO 24443:2021)¹. Ces tests ont un coût, une durée, et impliquent une planification rigoureuse.


Infographie en forme de tube listant les 5 défis de la formulation solaire : efficacité, stabilité, sensorialité, sécurité, conformité réglementaire.
Les 5 défis de la formulation solaire

À noter : Selon la recommandation européenne 2006/646/EC, un produit solaire doit protéger à la fois contre les UVA et les UVB, et faire l’objet de tests permettant d’évaluer :

  • Le SPF (testé in vivo, ISO 24444),

  • L’indice UVA (testé in vitro ou in vivo, ISO 24443),

  • La longueur d’onde critique, qui évalue si la protection s’étend bien dans la zone UVA.


Exigences minimales :

  • Un SPF minimum de 6,

  • Une protection UVA d’au moins 1/3 du SPF indiqué sur l’étiquette,

  • Une longueur d’onde critique supérieure à 370 nm (gage d’une protection à large spectre). (norme ISO 24444:2019) ou in vitro pour la partie UVA (ISO 24443:2021). Ces tests ont un coût, une durée, et impliquent une planification rigoureuse.


Il est aussi essentiel de rappeler que les filtres peuvent se dégrader avec le temps. Une crème ouverte depuis plus d’un an ou exposée à la chaleur peut perdre en efficacité. Respecter la date de péremption est une précaution indispensable.


V. Santé humaine : entre protection et controverses scientifiques


Certains filtres solaires suscitent des inquiétudes quant à leur sécurité à long terme. L’octocrylène, par exemple, peut se transformer en benzophénone, une molécule jugée préoccupante pour le système hormonal⁴. Des études ont également montré que certains filtres, notamment l’oxybenzone, sont capables de traverser la barrière cutanée et de se retrouver dans le sang, l’urine, voire le lait maternel. Toutefois, les niveaux détectés restent, selon les autorités sanitaires, très en-deçà des seuils de toxicité.


Le saviez-vous ? Malgré la présence dans l’organisme, les niveaux mesurés de filtres UV restent largement en dessous des seuils jugés toxiques par les autorités sanitaires.


La question des nanoparticules, notamment dans le cas du dioxyde de titane ou de l’oxyde de zinc, revient régulièrement. Les études actuelles indiquent que ces particules, sous forme de crème, ne pénètrent pas au-delà des couches superficielles de la peau saine. Le principal risque réside dans l’inhalation, c’est pourquoi ces filtres ne sont pas recommandés dans les sprays.


VI. Impact écologique : quand le solaire menace les océans


Les filtres solaires ne protègent pas que notre peau : ils finissent aussi par rejoindre les écosystèmes aquatiques, notamment via les baignades. De nombreuses études ont mis en évidence l’impact de certains filtres sur les récifs coralliens, en particulier l’oxybenzone et l’octinoxate. Ces substances peuvent provoquer un blanchissement des coraux, altérer leur ADN ou perturber la reproduction des larves⁷.


Face à ces risques, certaines régions comme Hawaï, Palau ou les îles Vierges ont interdit certains filtres dans les produits vendus localement. Le label « reef-safe » a émergé, mais il n’est pas encadré par une réglementation officielle, ce qui ouvre la porte au greenwashing.


Les alternatives plus respectueuses de l’environnement incluent les filtres minéraux non nano, ou certaines molécules de nouvelle génération développées pour combiner efficacité et écoresponsabilité. La recherche s’oriente également vers des filtres biosourcés, issus de plantes ou d’algues, mais leur développement est encore en cours.


VII. Réglementation : un cadre strict… et variable selon les pays


En Europe, les produits solaires sont considérés comme des cosmétiques, soumis au Règlement (CE) n°1223/2009. Ils doivent donc répondre à toutes les exigences en matière d’étiquetage, d’innocuité, et être évalués via un Dossier d’Information Produit (DIP).

L’Europe autorise actuellement 29 filtres UV, chacun avec une concentration maximale.


Aux États-Unis, les solaires sont classés comme médicaments en vente libre (OTC), ce qui implique des exigences différentes, notamment en matière de tests. L’Australie adopte également une approche très stricte, avec des contrôles proches de ceux des médicaments. Le Japon, enfin, classe ces produits dans la catégorie des quasi-drugs.


Il est interdit en Europe de revendiquer une protection totale : les mentions telles que « écran total » ou « 100 % protection » sont jugées trompeuses et interdites.


VIII. Choisir ou formuler un solaire : ce qu’il faut retenir


Pour le consommateur, cinq critères devraient guider l’achat d’un produit solaire : 


  • opter pour un SPF adapté à son phototype (au minimum 30)

  • vérifier la présence du logo UVA

  • respecter les recommandations d’application (quantité, fréquence, 

  • s’assurer de la fraîcheur du produit

  • et éviter si possible les filtres controversés ou à fort impact écologique


Pour les professionnels de la formulation, il est crucial de sélectionner des filtres efficaces, compatibles entre eux, stables, et répondant aux attentes sensorielles. La prise en compte des enjeux environnementaux et la veille réglementaire sont devenues incontournables. Enfin, les effets indésirables doivent faire l’objet d’un signalement dans le cadre de la cosmétovigilance, notamment via des dispositifs comme Vigicare.


Bonus : 3 idées reçues à oublier

“Je suis bronzé, je n’ai plus besoin de crème”

Faux. Le bronzage est une réaction à l’agression des UV.


“Je peux mélanger deux crèmes SPF pour en augmenter l’effet” 

“L’huile de coco protège naturellement”


Sources

¹ Organisation mondiale de la santé, UV Radiation & Health – Recommandations pour la protection solaire, OMS, 2023.

² International Journal of Cosmetic Science, Natural Oils as Sun Protectants: Myth or Reality?, Revue scientifique, 2016.

³ Scientific Committee on Consumer Safety (SCCS), Opinion on Octocrylene (SCCS/1627/21), Commission européenne, décembre 2020.

Schlumpf et al., Detection of UV filters in human breast milk, Chemosphere, Vol. 44, Issue 4, 2001.

Matta et al., Effect of Sunscreen Application on Plasma Concentration of Sunscreen Active Ingredients, JAMA – Journal of the American Medical Association, mai 2019.

Downs et al., Toxicopathological effects of oxybenzone on coral planulae and cultured primary cells and its environmental contamination in Hawaii and the US Virgin Islands, Archives of Environmental Contamination and Toxicology, 2016.

Scientific Committee on Consumer Safety (SCCS), Opinion on Titanium Dioxide (nano form) (SCCS/1518/13), Commission européenne, avril 2014. Règlement (CE) N°1223/2009, Règlement européen sur les produits cosmétiques, Parlement européen et Conseil, 30 novembre 2009. CosIng – Base de données européenne des ingrédients cosmétiques, Commission européenne. ISO 24444:2019, Cosmetics – Sun protection test methods – In vivo determination of the sun protection factor (SPF), Organisation internationale de normalisation. ISO 24443:2021, Cosmetics – In vitro determination of UVA protection, Organisation internationale de normalisation.

Monographie sur l’oxybenzone de Camille Le Bihan, du 2 décembre 2015.

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